vendredi 10 février 2006

La ‘’bataille’’ de la Judée-Samarie

(Article paru dans le bi-mensuel israélien francophone L'Enjeu du 10 février )

Chapeau de une

La ‘’bataille’’ des démolitions des avant postes non autorisés en Judée et Samarie augure de ce que pourrait être les futures divisions des Israéliens face à tout retrait, unilatéral ou négocié, de cette région. Le 28 mars prochain trois listes principales se présentent au suffrage de ces électeurs qui devront, par une très large majorité, confirmer ou infirmer l’intention de ces partis de dessiner, par la force ou la négociation, la frontière-est du pays. L’indécision des électeurs, à ce sujet, pourrait avoir un effet de boomerang dévastateur.

Chapeau intérieur

Au cours de la ‘’bataille’’ d’Amona, point de peuplement non autorisé, les forces de l’ordre se sont confrontés à des militants et habitants bien décidés à construire le grand Israël. Une triste journée, marquée par de nombreux blessés de part et d’autre, mais aussi par une constatation : la fracture au sein du peuple est bien réelle.

En juillet dernier, l’organisation de la gauche radicale, Shalom Arshav, intenta une action en justice pour obtenir la démolition des neuf maisons en dur du point de peuplement d’Amona, qui comprend 30 familles installées dans des bâtisses provisoires. Un avant poste non autorisé, mais toléré, par les instances gouvernementales israéliennes et créé en 1996 près de la localité d’Ofra, au nord de Ramallah. Cette plainte a été transformée en décision judiciaire par la Haute Cour de Justice israélienne et exécutée le 01 février dernier avec l’appui de plus de 3.000 membres des forces de l’ordre. Face à eux des milliers de jeunes militants, bien décidés à marquer leurs mécontentements. Résultat : des scènes d’une incroyable violence où, pour la première fois, on a vu des Juifs s’affronter entre eux. ( 250 blessés ).

A quelques kilomètres de là, une autre ‘’bataille’’ a eu lieu quasiment au même moment. C’est l’Administration civile qui, cette fois, a réclamé l'exclusion des neuf familles, habitant, sans autorisation, le marché des grossistes de Hébron, la Cité des Patriarches. ‘’Bataille’’ qui a été menée, cette fois-ci, pacifiquement après l’accord intervenu, la veille de l’expulsion par les forces de l’ordre, entre l’armée et les responsables du quartier juif de la ville. Ces derniers auraient obtenu une vague promesse d’un retour prochain dans les dites habitations.

A en croire un rapport commandé à l’avocate Talia Sasson par le gouvernement israélien et publié en mars 2005, Amona fait partie d’une liste de 105 points de peuplement non autorisés et dont des ordres de démolition avaient déjà été ordonnancé, pour certaines d’entre eux, dès octobre 2004. Faut-il donc craindre que ces deux ‘’batailles’’ entre Juifs, préfigurent celles de demain ? Doit on s’attendre à ce que chaque évacuation future donne lieu à des débordements physiques, voire à une « guerre des Juifs » ? Des affrontements d’autant plus redoutés si l’on inscrit, de surcroît, ces expulsions dans les desseins politiques, quasiment identiques, de tous les grands partis israéliens. Tous projettent, en effet, de se séparer, d’une manière ou d’une autre, de la Judée et de la Samarie dans leur quasi totalité. Eventualité redoutée par de nombreux analystes, inquiets de la montée en puissance du Hamas.

Il est évident, qu’au delà de ces deux ‘’batailles’’, l’ombre des élections législatives du 28 mars plane sur les décisions et postures des uns et des autres. Celles d’Ouri Ariel, député de l’Union nationale, a consisté à s’installer à Amona, en compagnie de sa famille, pour prouver à ses électeurs, son opposition à toutes démolitions de points de peuplement et, au-delà, à tout abandon du projet du grand Israël.

La posture de Yossi Beilin, président du parti Yahad-Meretz et partenaire de l’association de gauche radicale Shalom Arshav, fut de prédire au cours d’une conférence à l’université de Tel-Aviv que « le partage du pays devra intervenir pendant la prochaine législature et les habitants juifs des territoires ne parviendront pas à faire peur à la majorité des Israéliens ».

Le Premier Ministre par intérim, Ehud Olmert, quant à lui, est soucieux de paraître comme l’héritier spirituel d’Ariel Sharon et de ses promesses, et a fait de la destruction d’Amona un cas d’école. D’où sa condamnation du Conseil des localités juives de Judée-Samarie d’avoir planifier les heurts avec les forces de l’ordre, pour atteindre des objectifs politiques. Attitude habile qui lui permettra de bénéficier, pour la prochaine élection, de l’appui essentiel de l’administration américaine qui, en vertu de la « feuille de route », avait obtenu du gouvernement précédent un accord pour un démantèlement d’une vingtaine d’implantations sauvages.

Trois positions antinomiques parmi d’autres, qui démontrent, si besoin était, le clivage dangereux entre les dirigeants israéliens sur la question, et le risque qu’encoure le peuple si la politique appliquée en cette région n’était appuyée par une très large partie de la population. Ce qui politise, d’autant plus, le débat concernant l’élection à la prochaine Knesset, qui devra résoudre l’avenir de cette région par des décisions majeures. D’où l’importance du choix des électeurs le 28 mars prochain, dans un sens ou dans un autre, mais à une très large majorité afin d’installer le futur gouvernement dans une stabilité qui lui accordera toute autorité à ce sujet. Il s'agira également de faire les choix sécuritaires concernant les voisins immédiats. Des voisins ‘’palestiniens’’, syriens, voire iraniens, qui se délectent de toute confrontation entre juifs.

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